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Paris-Dali
6 décembre 2008

Analyse de La Métamorphose de Narcisse

1937_03_Metamorphosis_of_Narcissus__circa_1937

La Métamorphose de Narcisse, 1934

Afin de mieux appréhender les effets d'image-double dans l'oeuvre dalinienne, je propose ici l'analyse d'une oeuvre. Le poème peut être lu ici.

A la fois tableau et texte, image et réseau métaphorique, cette oeuvre module et orchestre la donnée psychanalytique de telle manière qu'on ne sait plus duquel, de la toile ou du poème reflète l'autre. C'est la première oeuvre de l'artiste traitant du narcissisme :"Pour la première fois, un tableau et un poème surréalistes commencent l'interprétation cohérente d'un sujet irrationnel"*.

Dalí a de toute évidence emprunté ce sujet à la théorie freudienne, puisqu'en reprenant ce mythe de Narcisse, le peintre avance expressément la notion psychanalytique de "complexe". Dans ce cadre, l'adolescent hynoptisé par le désir de son propre corps devient la plus parfaite expression de l'investissement libidinal du Moi (vers 90-98).

La silhouette du jeune homme penchée sur son reflet est en net contraste avec le groupe hétérosexuel situé à l'arrière-plan, au centre du poème et de la toile. Ce groupe ou transparaît le désir latent de l 'autre sexe se profile sur le tableau en un pastiche du Quatrocentto. Son universalité est également tournée en dérision dans le poème, à travers l'énumération qui détaille tous les personnages (vers 79-84). Ce groupe adopte "les fameuses poses de l'expectation préliminaire", à savoir celle de l'attente érotique qui annonce l'acte sexuel. Si la consommation de l'amour se donne comme un bouleversement et un désastre, c'est parce qu'elle laisse libre cours à l'expression d'une violence antique: elle autorise "l'éclosion carnivore de latents atavismes morphologiques" **. En effet, le poème renvoie de manière latente à la mante religieuse qui dévore le mâle après la copulation. L'acte sexuel s'associe donc à l'angoisse. Il s'oppose à la délicate poésie du fragment qui ramène Narcisse frileusement relié sur lui-même. Cependant, Narcisse fidèle à sa destinée mythique, fond et disparaît dans son propre reflet pour renaître fleur. Dans le poème, cette fleur est Gala, qui a initié Dalí à l'amour du temps où l'obsession de l'acte sexuel s'accompagnait chez lui d'un profond sentiment d'angoisse (vers 150-156).

De manière latente, mais tout de même assez explicite, Dalí rattache son texte et son tableau au difficile passage conduisant au choix d'objet hétérosexuel. C'est en lisant Ovide à la lumière des écrits de Freud qu'il élabore sa version paranoïaque-critique d'un des grands thèmes de la culture occidentale. Mais l'apport de Dalí ne se limite pas à son interprétation de Narcisse, il réside dans la découverte d'un mode de reproduction artistique en prise sur l'inconscient. Les oeuvres picturale et poétique invitent à saisir les analogies, les associations, les déplacements au gré où ils se déploient. Plus qu'une thématique, la théorie freudienne sous-entend ici une exploration des mécanismes paranoïaques.

La Métamorphose de Narcisse ne se compose pas distinctement d'une production picturale et une autre poétique. Bien au contraire, l'image visuelle est ancrée dans le verbe et inversement, l'analogie verbale repose sur la forme plastique.

Le duo poème et peinture.

L'obsession à la base de l'oeuvre paranoïaque-critique prend sa source de métaphore vécue, c'est-à-dire d'une expression figée littéralisée et corporalisée participant de fait de symptômes de la folie (Jacques Lacan assigne au symptôme la valeur de métaphore inconsciente).

La corporalisation du cliché est à la source de la transformation qui affecte le sujet; elle sous-entend la métaphore. Armé d'une lucidité critique, la présentation de Dalí apporte un soin tout particulier à éclairer la dimension verbale. Le commentateur reprend un cliché emprunté à la langue catalane, qui nécessite une traduction et vu qu'il n'existe pas d'équivalent en français, une explication. Or la transposition d'une langue à l'autre restitue son sens littéral à la figure lexicalisée: l'oignon y retrouve son statut végétal qu'il avait perdu dans le dicton. Par les vertus de l'analogie visuelle, il se fait alors métaphore: le bulbe et la tête, à la forme similaire, se substituent l'un à l'autre. Il devient alors possible de filer la métaphore: l'oignon peut fleurir dans la tête, la tête fleurit comme un bulbe. C'est à ce moment que le récit se lit dans sa différence. Dans la légende, le bel adolescent avide d'embrasser son reflet l'étreint et se noie en lui, pour se transformer après sa mort en la fleur qui porte son nom. Chez Dalí, "l'homme retourne au végétal" lorsque la tête de Narcisse se fond dans l'image du bulbe dont la fleur éclôt. Ainsi, la tête est comblée d'un "sommeil inguérissable, végétal, atavique et lent qui dessèche la cervelle". Narcisse qui "dort comme une fleur d'eau" est "absorbé par son reflet avec la lenteur digestive des plantes carnivores". Tandis que son corps "se vide et se perd" dans l'abîme de son reflet, "il ne reste de lui que sa tête" qui se fendra pour donner jour à la fleur. De même dans le tableau, le processus de la métamorphose s'opère à partir de l'image de la tête-oignon dont jaillit la fleur (vers 1-19).

S'inscrivant dans le vécu de Narcisse, cette métaphore se situe au centre de l'oeuvre et constitue le thème obsédant qui en articule tous les éléments dans une structure logiquede type délirant.

La toile permet un déchiffrement autonome, si bien que lenracinement de l'image dans le mo appraît seulement à la lecture du poème. De là, l'importance de celui-ci pour comprendre ce qui constitue la clé secrète de l'image délirante. C'est en ce sens que Dalí présente son texte comme ce qui est le mode d'emploi du tableau (ne se limitant donc pas à un seul commentaire de la toile). Le discours poétique a sa productivité propre, que la Métamorphose de Narcisse dévoile en montrant comment l'inconscient oeuvre dans le langage. La mise en perspective de la toile et du poème ne vise pas à les subordonner l'un à l'autre, mais à montrer comment le verbe et le visuel se fécondent mutuellement. Si l'image naît d'une expression figée, le texte se fonde sur des analogies concrétisées sur la toile: la tête humaine, l'oeuf, le bulbe. La superposition plastique se double en retour d'une équivalence sémantique. Le doublet image-verbe savamment mis en place par Dalí ne se referme pas sur lui-même. Eclairant d'autres oeuvres, il permet un ancrage matériel à l'étude de la production délirante, c'est-à-dire au travail de l'inconscient et à la créativité artistique. La métaphore favorise parfois des glissements associatifs qui s'enchaînent dans les séquences aux appaences d'automatisme. Ainsi dans les vers 139 à 142, la chrysalide d'où naîtra le papillon comme la fleur naît du bulbe, est la tête de Narcisse, et ne peut contenir que des pensées. Cepedant, celles-ci se trouvent par la comparaison à la fleur et au papillon reversées dans le domaine des sciences naturelles: la chrysalide et le bulbe donnent naissance à l'élément biologique qu'ils portent secrètement en eux. Ainsi, les pensées "biologiques". Ces pensées occultées se présentent comme des arrière-pensées. A l'instar du papillon, elles pourront bientôt évoluer en pleine lumière. Ce qui a été retenu se libère : de la chrysalide sort le papillon, du bulbe éclôt la fleur, et de la tête naissent les obsessions et les désirs longtemps maintenus à l'état larvaire. Cette série d'association liée à la métaphore de la têe-chrysalide prenant le relais de la tête-bulbe sous-tend une chaîne associative au premier abord énigmatique. La propension de la métaphore verbale à engendrer des séquences associatives confère par moment au poème des apparences surréalistes. Elle a peu d'équivalents dans le tableau, dont l'organisation délirante ne se fonde que très accessoirement sur une série associative.

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Commentaires
P
Elle a juste copier coller dun autre site
L
jaime bien mais la police est affreuse
L
C'est intéressant, mais je pense qu'il pourrait manquer quelques petites choses (les symboles des fourmis, du chien, des montagnes...).
N
Commentaire :
A
c vraie que c écrit trop petit et la couleur de police n’arrange rien !
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